Perceval, sa question empêchée
Un jeune homme de quinze ans sort de la maison de sa mère sans la moindre idée d’une mission à remplir, guidé par le pur plaisir de la découverte. C’est un jeune homme, dans ce monde que nous appelons aujourd’hui Moyen-Age l’enfance dure peu et l’adolescence n’existe pas. Il part à l’aventure en montrant tous les signes d’une vitalité expansive et heureuse d’elle-même jusqu’aux javelots qu’il lance sans but pour le seul plaisir du geste. C’est, chez Chrétien de Troyes[i] le début classique d’une reverdie[ii] dont il vaut la peine de citer ce début : « Ce fut au temps qu’arbres fleurissent, feuilles, bocages et prés verdissent et les oiseaux en leur latin doucement chantent au matin et tout être de joie s’enflamme. Lors le fils de la dame veuve se leva dans la Gaste forêt solitaire. Vivement sella son cheval de chasse, prenant trois javelots et sortit du manoir de sa mère. Il se disait qu’il irait voir les herseurs qui lors semaient les avoines avec douze bœufs et six herses.
Ainsi en la forêt il entre et sitôt son cœur se réjouit pour le doux temps qui s’éjouit et pour ce chant-là qu’il entend de tant d’oiseaux qui mènent joie. Toutes ces choses lui sont douces. Pour la douceur du temps serein il ôte au cheval son frein et il le laisse aller par l’herbe fraiche et verdoyante. Ainsi en la forêt il entre et sitôt son cœur se réjouit pour le doux temps qui s’éjouit et pour ce chant-là qu’il entend de tant d’oiseaux qui mènent joie. Toutes ces choses lui sont douces. Pour la douceur du temps serein il ôte au cheval son frein et il le laisse aller par l’herbe fraiche et verdoyante ».
[i] « Perceval et le Roman du Graal », Chrétien de Troyes, Folio Gallimard
[ii] Au sujet de la reverdie comme genre littéraire : http://cedic.chez.com/graal/person1.htm
Mais si le mot a un sens il n’y a rien là de gaste, de désolé, dévasté ou stérile. Ou plutôt c’est comme si, heureux de lui-même le jeune Perceval ne pouvait rien voir de ce qui est autour de lui. Ce n’est que plus tard, une fois armé chevalier par Gorneman, qui lui a fortement conseillé de ne plus se référer à tout propos à sa mère, que la dévastation se dévoilera à lui, comme si l’accession à la chevalerie et l’accès à une référence autre que maternelle avaient changé son regard.
En réalité ce n’est pas la forêt qui est malade, c’est tout le corps social. Ce ne sont que domaines dévastés dont les gens craignent par-dessus tout de rencontrer un chevalier car cela signifie pour eux le malheur. Ce sont des chevaliers brutaux et sans égards, qui « tuent tout ce qu’ils atteignent » et semblent perpétuellement furieux contre tout autre chevalier qui se présente à eux ; occupés à s’affronter l’un l’autre dans de vaines querelles qui semblent sans but aucun, en un mot bien peu courtois[i]. En effet, dira la mère de Perceval, les meilleurs de la chevalerie sont morts, parmi lesquels son propre père. Il ne reste que « les mauvais, les lâches, les honteux ». A la cour on rencontre un roi Arthur pensif et muet, qui reste impuissant devant les querelles intestines, qui a subi sans réagir l’humiliation de la reine, et dont la royauté même est menacée. Dans un bref dialogue on le devine sans autorité sur son sénéchal Keu, homme brutal à la parole blessante. C’est tout le système politique qui est malade puisque le roi ne pouvant plus adouber de chevaliers, les liens de vassalité et d’allégeance qui forment la structure sociale ne peuvent plus s’établir normalement.
[i] A la relecture je pense avoir été sévère avec ces chevaliers. Peut-être identifié à un Perceval qui aurait été capable de critiquer le monde qui se présentait à lui, ce dont justement il est incapable. Ne sont-ils pas plutôt pris dans une transe de guerre (« Histoire et trauma. La folie des guerres » Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière, stock 2006), un état post-traumatique où un rien, reflet sur un bouclier ou bruit d’arme, suffirait à les précipiter de nouveau lance dressée dans la furie des combats ?
Voilà la réalité qui se dévoile peu à peu au fil du récit. On apprend aussi que cette violence incontrôlée qui a tout dévasté a également causé la catastrophe familiale des frères tués à peine armés chevaliers et du père blessé, devenu invalide puis mort de chagrin alors que Perceval avait deux ans. On comprend que le Perceval de quinze ans cherche un jour ou l’autre à sortir de ce monde marqué par le deuil et le traumatisme. Mais sa mère soucieuse d’éviter la répétition du malheur a bien pris soin de le priver de tout savoir sur son origine et a écarté de lui toute figure d’identification « dans le génie de son sexe ». Le résultat de telles manœuvres de déni est connu. Dans sa naïveté il croira avoir été adoubé par Arthur alors qu’il ne l’est pas. S’il a développé des qualités « animales » qui le rendront invincible au combat il est incapable de comprendre les règles d’une vie sociale dont il ne sait rien. A plus forte raison l’idée d’une mission à remplir ou d’une quête à mener à bien lui est tout à fait étrangère. Il serait facile de s’en tenir à ce qu’implique le nom de Gallois (sauvage, sans éducation). J’y verrais plutôt ce que Françoise Dolto appelle le « faux débile par défaut de symbolisation ». Le jeune Perceval qui n’avait pas connu ni père ni frères sentait bien qu’il ne pouvait questionner une mère endeuillée. Il ne pouvait lui poser la question qui sera celle de Kirikou, le bébé miraculeux né lui aussi au milieu de la dévastation : mère où est mon père, où sont mes frères et mes oncles ? Ainsi un enfant peut être conduit à ne pas poser certaines questions si elles touchent au lieu même du clivage parental, surtout s’il se double d’idéalisation. L’absence de parole signifiante sur l’origine conduit de proche en proche à une inhibition de la pensée, et du questionnement.
Quand reçu au château de Torbénic il verra passer l’étrange cortège du Graal, il ne pourra poser la question qui lui brûle pourtant les lèvres et que l’on attendait de lui sans qu’il le sache. Il n’aura pas les moyens de distinguer les contextes, ce qui lui aurait permis de relativiser les conseils de réserve que sa mère et le chevalier Gorneman lui avaient transmis. Mais encore une fois il serait trop simple de s’en tenir là car on peut remarquer que par rapport au questionnement son attitude varie. Tantôt il questionne et tantôt il s’en abstient. Il a montré au début de son aventure qu’il savait très bien interroger les chevaliers qu’il rencontre, et qu’il a pris d’abord pour des diables puis pour des anges, sur tous les détails de leur équipement, et sur ce qu’est la chevalerie. Selon les contextes Perceval se montre capable ou incapable d’interroger. Il ne peut poser certaines questions alors que d’autres lui demeurent possibles. Il y a donc autre chose pour expliquer son inhibition : c’est qu’il se trouve chez le Roi Pêcheur, roi méhaigné, mutilé de la même façon que son père, bien qu’à ce moment il l’ignore. Ce qui à ce moment le retient c’est peut-être la terreur qu’il n’y ait pas de réponse et qu’il ait ainsi ajouté une humiliation à la déchéance du roi. Ne pas questionner c’est éviter ce risque de la non-réponse, c’est esquiver l’épreuve de renoncer à l’idéalisation.
Perceval l’adolescent sauvage a toutes les qualités que donnent la vie dans la forêt et la chasse au javelot ; qualités que les chevaliers « institutionnalisés » ont perdues. Il peut régénérer une chevalerie déchue, mais il n’est pas dit qu’elle se laissera régénérer. Le mythe dit que c’est à partir de ce fond animal-animique qu’une régénération peut avoir lieu, et non pas de l’intérieur d’un système exténué. On l’appelle tantôt valet tantôt paysan. Il confond les conseils qui lui ont été donnés avec ses désirs incomplètement humanisés. En résulte une étrange scène de forçage sexuel où le violeur serait innocent, ne connaissant pas son acte (et la victime forcément coupable aux yeux de son ami !). Sa rencontre avec la cour du Roi Pécheur est annoncée par la prise d’un énorme poisson. Perceval est porteur d’un Infantile qui n’a pas connu l’ordre paternel au sens de Christopher Bollas, l’initiation. Son Infantile inclut une cruauté inconsciente d’elle-même : le meurtre du cygne. Mais « qui le voit le tient pour fol mais on le tient aussi pour beau et noble », d’une noblesse qui ne lui a pas été apprise. Ses yeux sont « clairs et rieurs » et sans même le chercher il a le pouvoir de dérider la pucelle dépressive qui « n’avait ri depuis plus de six ans au moins ». Mais cette puissance de vie peut offense celui qui ne l’a pas, et le sénéchal Keu ne peut supporter cette libido surabondante qui dévoile sa propre violence.
Chez Chrétien de Troyes n’y a-t-il pas un accord implicite entre le jeune chevalier et le vieux roi ? Le Roi Pécheur n’est pas seulement un roi méhaigné, il est aussi en quête de guérison, dans le sens plus large d’un renouvellement de sa propre libido, ce qu’illustre le thème classique de la pêche qui est bien plus qu’un loisir pour meubler son inaction. Sinon, même si elle était mentionnée elle ne définirait en aucun cas le personnage au point de lui donner son nom, et même on le verra dans la version de Julien Gracq de donner à l’œuvre son titre. Ce n’est pas un roi qui pêche pendant ses longs loisirs, c’est un roi pêcheur. Sa situation n’est pas statique, c’est aussi celle d’une attente, une position passivement active : interroges-moi, oses le faire je n’attends que cela. Je vois bien que tu es en recherche même si tu ne sais pas ce que tu cherches. Moi aussi j’attends quelque chose, et dans nos deux recherches nous avons partie liée. Pourquoi crois-tu donc que je pêche ? Pour passer le temps ? Parce que j’aime le poisson ? Toute la scène est empreinte d’un sentiment de fraicheur et d’ouverture. Le roi attend de lui sa question mais ne fait peser nulle pression. Il le met à l’aise, il ne se présente pas comme roi mais il lui fait une réception royale. Il l’appelle frère et le distingue par le don de l’épée précieuse. Ce roi du moins ne fera rien pour décourager Perceval.
Mais c’est une figure commune des contes, mythes et légendes : quand le héros rencontre le magicien ou la fée qui lui demande de faire trois vœux ou de poser trois questions, c’est toujours trop tard : il n’a pas eu le temps de s’y préparer, il ne sait pas quoi dire… Le rituel de la Pâque juive met en scène dans un cadre où questions et réponses sont ritualisées et les rôles prescrits, quatre types d’enfants, dont « celui qui ne sait pas poser des questions » et qu’il faut aider, mais aussi le simple, dont la question est également simple : « que se passe-t-il ici ? ». Pourquoi cette lance qui saigne ? Question de celui qui ne se saurait pas en quête, mais simplement ouvert à l’imprévu tenterait de comprendre le monde.
Dans sa préface Armand Hoog[ii] précise qu’à l’époque du cycle Arthurien, le second âge féodal[iii] l’initiation a changé de contenu : elle n’est plus automatique, cyclique, ritualisée, fermée sur elle-même. Le vieux rituel qui régissait les rapports entre supérieur et inférieur est entré en crise et s’est sclérosé, à l’image d’un roi Arthur qui n’adoube plus. A l’initiation interrompue doit se substituer la quête solitaire avec ses divers destins imprévisibles et ses risques. L’initiative a changé de côté. L’initiation est maintenant affaire de question posée à celui qui doit initier. Celui-ci ne peut que rester dans une position d’attente confiante. Un changement majeur qui, on le voit, ne date pas d’aujourd’hui.
Le Perceval de Julien Gracq ou comment tuer le questionnement
Sept siècles après, en 1948, Julien Gracq reprend à nouveaux frais le récit mythique . Dans sa version théâtrale du « Roi Pêcheur »[iv] il construit une histoire nouvelle tout en conservant le schéma fondamental de la geste Arthurienne : Perceval, qui pour le coup n’a plus rien ici du « Gallois » et qui sait très bien ce qu’il cherche échoue au moment décisif. Mais ce ne sera pas cette fois par incapacité à poser une question. Lors de sa première rencontre avec le prêtre ermite, alors qu’il ne sait pas qu’il est près de son but, il se montre, comme chez Chrétien de Troyes et avec quelle intensité de vie, « heureux de ses besoins » (Levinas). Il ne lui suffit pas d’aimer sa soif parce qu’il aime le moment où il peut la satisfaire, il va l’aiguiser exprès pour augmenter aussi le plaisir de la satisfaction : il surenchérit, il se jette à l’eau tout armé et en nage. Il ne lui suffit pas de prendre en lui l’eau qui apaise, il lui faut y être contenu tout entier. Il connait la jubilation d’exister, l’orgasme du Moi. Mais inconscient de sa propre confiance arrogante en lui-même il ne sait rien de l’envie meurtrière que cela peut susciter de la part de ceux que Gracq appelle, dans sa préface, les grands avorteurs ou les grands naufrageurs, et il en fera l’expérience.
Ici il faut décidément, comme dans « Hamlet », écouter les hommes de garde, les premiers à prendre la parole, les simples chevaliers sans rang aucun, ceux qui ne sont pas au centre de l’action, les subalternes sans pouvoir social mais très présents à eux-mêmes. Comme il faut écouter les domestiques qui s’affairent dans les sous-sols de « Festen » ou de « Gosford Park ». Ils représentent, l’instance en charge de ce qui ne peut être dit ouvertement, le discours du off, celui des couloirs. Que décrivent-ils ? Comme à l’ouverture de « Hamlet », ils parlent du froid amer, de l’âpre froid. Mais c’est plus que le froid et la brume, ce silence et cet ennui, ce temps qui s’écoule en pure perte. C’est quelque chose de bien pire que « l’éternel hiver des actes gelés » (Gilbert Durand) qui au moins pourrait laisser espérer un dégel. Ce n’est pas la simple privation du bien, c’est le mal qui est activement à l’œuvre. Ils parlent de la blessure d’Amfortas qui est vivante mais comme force de mort, comme une « bouche qui mâche une écume de sang noir ». Elle est comme l’inversion de l’oralité dévorante et heureuse que Perceval, naïvement, ne craignait pas d’évoquer devant un ermite se nourrissant de racines.
Sans insister, presque sur le ton de l’excuse (« Si peu d’intérêt qu’en définitive cela représente… ») Julien Gracq mentionne en conclusion de sa préface que c’est Kundry qui, comme au tournoi, « porte ses couleurs ». Ce qui dans cet univers mental où l’on combat en portant les couleurs de sa dame, modifie singulièrement la perspective. De fait Kundry est celle qui n’est pas dans l’ambivalence. Comme les gardes, mais avec plus de pouvoir social, elle parle sans détours ni précautions de langage : le château de Montsalvage est dans la désertion, dans l’abjection, dans la déchéance. C’est ainsi. Quand elle apporte à Amfortas des soins attentifs et presque maternels, elle est toute entière dans son acte sans arrière-pensée. Mais tout aussi sincèrement, elle attend la venue du sauveur, puis quand elle l‘a reconnu en Perceval, elle tente de l’aider dans la mission qu’elle lui attribue. Alors que le roi, ambivalence incarnée, veut et ne veut pas (et en définitive ne voudra pas) que le sauveur vienne. Le contexte historique de la pièce (au sortir de la guerre les femmes viennent d’obtenir le droit de vote) me permet d’avancer qu’il y a là l’aspiration à un féminin qui rendrait le monde meilleur si on lui faisait plus de place. Un récit du Graal féministe !
Le Perceval de Chrétien de Troyes avait quinze ans, celui de Gracq en a seize. Mais le Moyen-Age ne connaissait pas l’adolescence. En 1948 l’adolescence existe comme âge de la vie. Sous l’occupation on aurait dit un « J3 », et pour le spectateur de l’époque le rôle joué par les adolescents dans la Résistance peut être bien présent[v].La rencontre de Perceval avec Kundry est le premier choc amoureux d’un adolescent. Il est placé d’abord sous le signe de l’émerveillement (« plus belle que ma mère »). Kundry n’a ici plus rien de la magicienne maléfique de Wagner. C’est une femme aussi séduisante qu’elle est maternelle, une parfaite initiatrice pour ce premier amour adolescent qui, même non réalisé sur le plan sexuel, peut consolider le Moi s’il lui est permis de se développer, ce qui ne sera pas le cas. Kundry est aussi celle qui fait plus que le possible pour prendre soin (ici le mot soigner serait trop faible) de la blessure d’ Amfortas, tout en ayant bien l’intuition du caractère systémique de cette blessure qui la rend inguérissable, douée qu’elle est d’une vie autonome, acharnée à vivre sur son hôte comme une tumeur. Elle sait que la guérison si elle doit venir viendra d’ailleurs, de l’extérieur de ce système clos, et que ses soins attentifs ne sont que des soins palliatifs, et d’une certaine façon des soins futiles, hors sujet. Ou plutôt ils le seraient[vi] s’il n’y avait pas l’espérance, à laquelle Kundry tient, de celui qui sauvera et guérira pour de vrai. Disons plutôt que les soins qu’elle prodigue à Amfortas sont des soins d’attente.
Si l’Hamlet de Shakespeare coupait l’action à ses deux extrémités, au moins quelque chose s’était passé et ce quelque chose était une crise dynastique. Ici c’est autre chose, il n’y a aucune action, ce qui aurait pu advenir s’est trouvé violemment neutralisé dès la source. Ensuite on tentera d’oublier, on fera « comme si de rien ». La dernière page du livre tournée, le rideau tombé, l’impression demeure que l’on pourrait recommencer au début exactement de la même manière, boucle temporelle ou disque rayé dans l’infini de la répétition, celle du traumatisme d’Amfortas qui espère la guérison mais en a peur (mais qui n’a pas peur de guérir ?) puis ne veut pas guérir. Qui ne peut exister, dit Gracq, ni avec le Graal ni sans le Graal.
Le Perceval de Chrétien de Troyes n’était pas à la hauteur de sa mission, mais un autre le serait plus tard. Du moins personne ne l’agressait ni ne le terrorisait, on prenait simplement acte de son échec et on lui en annonçait les conséquences. Il n’était pas seul mais partie d’un collectif qui l’avait admis comme un des leurs, alors que rien ne semble rattacher le Perceval de Julien Gracq, radicalement seul, à une quelconque affiliation ou appartenance. Si le Perceval de Chrétien de Troyes avait été à la hauteur il ne serait pas forcément devenu roi (cela on le verra chez les continuateurs de son roman laissé inachevé). Mais il aurait rendu au Roi Pécheur l’usage de ses membres et l’aurait rétabli dans sa pleine royauté. « Si grand bien serait advenu », dit sans plus de détails celle qui lui révèle la vérité de son échec, sa cousine germaine. Il était attendu mais ne le savait pas. Son seul but était de se joindre à l’aventure d’une chevalerie idéalisée, qu’il ne savait pas en proie à une crise profonde.
La situation du Perceval de Gracq est bien différente. Il sait l’objet de sa quête, il connait l’existence du château du Graal mais sans savoir qu’il y est parvenu, et d’ailleurs qui le lui dit ? Il ne se savait pas attendu là où il vient d’arriver mais on l’y attend. Cette dissymétrie rendra d’autant plus facile sa destruction. Autre différence avec le récit de Chrétien de Troyes : Gracq place dans l’actuel les raisons de l’échec de son héros. Il n’avait en lui nulle prédestination à réussir, pas plus qu’à échouer. Au moins nous ne saurons pas si, comme chez Chrétien de Troyes, il hérite d’une catastrophe familiale et socio-politique. Ce sera affaire d’environnement, de rencontres bonnes ou mauvaises, et c’est cela que Gracq veut mettre en scène dans ce dispositif théâtral où forcément le spectateur se verra directement concerné.
Il faut faire passer à cet adolescent merveilleux, si dangereusement doué, l’envie de demander car on sent chez lui cette qualité divinatoire propre à son âge, qui le rend trop clairvoyant. Il y a aussi chez lui, autre trait adolescent, une propension à la violence agie que le vieux roi va utiliser contre lui. Car il y a danger pour ceux qui ont intérêt au statu quo. Ainsi il sera brisé par Amfortas, stérilisé dans son désir confus de créer un monde qui lui corresponde. Amfortas réussit là où le prêtre ermite avait échoué, mais s’était secrètement rendu à la fin, indiquant à Perceval le bon chemin alors qu’il pouvait l’amener à se perdre, mais lui fournissant une aide étrangement ambivalente. Il y met plus de moyens dans ce qui est l’équivalent d’un viol psychique en deux actes.
Premier acte : « Tu m’as déjà reconnu. Rappelle-toi le bord du lac. Nos ombres se mêlaient dans l’eau. « Il me semblait que ma route passait par vous » (Il rit amèrement). Tu as beaucoup d’esprit quand tu ne réfléchis pas. Et à chevaucher droit devant soi, on ne réfléchit guère. J’ai eu plus de loisir et je sais, moi, que si tu te retournais maintenant pour regarder ton ombre, (Il se lève en face de Perceval)… c’est moi que tu reconnaitrais, et tu comprendrais que je te suivrai toujours. »
Il ne peut rien y avoir de pire que d’annoncer à un adolescent dont le souci est d’exister… qu’en réalité il existait déjà dans la peau d’un autre, un ainé qui plus est. C’est un meurtre psychique, c’est comme si son existence propre avait perdu sa justification et c’est ce qu’Amfortas assène à Perceval. Dans ce premier dialogue il y a toute la violence mélancolique du vieillard qui ne peut pardonner qu’existe chez autrui ce qui en lui n’a pu venir au jour. C’est alors que se met en acte ce qu’annonçait le garde. La blessure cesse d’être une blessure appelant des soins, elle devient une bouche qui s’ouvre pour attaquer et terroriser et d’où s’échappe un sang qui brûle. Dans ce dialogue qui est un meurtre d’âme Perceval est détruit en tant qu’adolescent capable d’une quête personnelle, et le sens qu’il voulait donner à sa vie réduit à rien. Le roi méhaigné en oublie d’un coup toute sa faiblesse gémissante. Impitoyable, dressé devant un Perceval en détresse il m’évoque la brusque métamorphose du père qui dans « Le verdict » de Franz Kafka annonce à son fils qu’il avait toutes les cartes en mains et que lui n’a plus rien, n’a jamais rien eu. Et si à la toute fin le vieux roi affectera d’espérer en la venue d’un autre sauveur, c’est à n’en pas douter dans la perspective de lui faire subir le même sort.
Cette déception est pour Perceval une catastrophe qui provoque une régression psychique immédiate Replongé d’un coup dans le conflit œdipien dont il se dégageait Perceval entend l’invitation à rester que lui fait Kundry comme une invite sexuelle et il y réagit avec violence : « Chienne ! Me proposes-tu aussi de m’ouvrir ton lit ? » (il le désire bien trop pour pouvoir l’admettre !). Je tiens qu’Amfortas a induit cela quand il a écrasé la différence des générations en disant à Perceval qu’il était son double, son ombre. A ce moment Kundry ne cède pas et se montre à la hauteur de son rôle, et de tout ce que Julien Gracq a investi dans son personnage. Elle rétablit cet ordre en parlant à Perceval de sa mère morte. Elle met de côté sa séduction pour continuer de l’aider dans la réalisation de sa mission, qu’à ce moment elle lui révèle. Ce faisant elle le libère de nouveau dans l’expression de son désir. La scène qui suit, celle des suivantes, est typiquement une scène de désir adolescent, celle où comme le Chérubin de Beaumarchais on les désire toutes et on ne peut choisir.
Mais il y a de nouveau danger et c’est pourquoi Amfortas intervient encore une fois. Reprenant ce schéma initiatique mis en lumière par JJ Goux[vii] je dirai qu’il se comporte à ce moment comme un roi mandateur inversé, celui qui soumettrait à l’épreuve tout en organisant les choses pour qu’elle ne soit pas franchissable. Le Graal n’était chez Chrétien de Troyes que merveille et splendeur, mais passant et repassant silencieusement à travers la salle il n’empêchait personne de continuer le riche festin tout en devisant. Chez Julien Gracq on ne festoye plus et le Graal devient dans la bouche d’Amfortas une vision de beauté insupportable mais qui arrête toute vie (et je n’ai pu ici m’empêcher de penser ici à l’expérience alors toute proche de la bombe atomique), qui arrête même l’écoulement du temps et le cycle de la nature (« les feuilles ne tomberont plus… »). Ici l’éternel hiver des actes gelés ferait place à un éternel été, sans que le cycle de la végétation en soit pour autant rétabli, sans que le temps ne se remette en marche. Il se trouverait avili en un faux paradis de la joie obligatoire, de l’amour commandé et de la fin de l’histoire, un paradis aux forts relents staliniens (et en 1949 cela avait du sens). Même l’espoir d’aimer serait anéanti : Kundry serait morte parce qu’elle est impure. Comprenons ici : parce qu’elle est femme. La scène est un service religieux, il n’est plus question de festoyer. Elle est vécue « en caméra subjective » par Kundry et Kaylet le bouffon boiteux qui à d’autres moments apparait plutôt comme un enfant ou comme quelqu’un qui devrait jouer à l’enfant dans ce monde où toute enfance est impossible. « N’appelle pas, personne ne peut plus répondre, puisque lui n’a pas répondu » dit Kundry. Mais n’est-ce pas de lui que personne n’a répondu?
Ainsi au lieu de ce qui est devait être une histoire nouvelle qui s’écrirait, il n’y aurait plus selon le schéma de JJ Goux que la répétition cyclique d’un échec de l’initiation où un seul et même roi tuerait, au moins psychiquement, Perceval l’adolescent sans père, puis le soumettrait à une épreuve en s’arrangeant pour qu’il échoue : le savoir qui devrait lui être communiqué afin qu’il passe l’épreuve « intellectuelle », qui consiste ici à poser une question, est retourné en un savoir terrifiant qui empêche toute question. Enfin il lui annoncerait qu’en cas de réussite la fiancée promise mourrait. Amfortas dit que le bonheur humain, résultat attendu d’une initiation réussie, est en réalité surhumain et insupportable et qu’il vaut mieux qu’il reste hors d’atteinte. Mais dans la France largement déchristianisée de 1949, l’au-delà de la religion a cessé d’être une promesse. Alors il ne reste plus rien. Il y a ici une inversion radicale des significations traditionnellement attachées au Graal : bienfaisance, guérison, rectification (Gilbert Durand). Bien avant la christianisation du mythe qui en fera le réceptacle du sang du Christ, le Graal est la coupe de vie, il représente l’espoir de la régénération d’une terre malade. Il appartient au vieux fond magique célébrant la toute-puissance de la vie, le retour de la végétation. Et c’est comme si le héros de l’initiation avait partie liée avec le sort du monde dans lequel il évolue. C’est dire que l’aspiration du héros à une vie renouvelée ici et maintenant ne peut plus se concevoir. Amfortas dit que la régénération du monde n’aura pas lieu. Le monde continuera tel qu’il est, c’est le moindre mal après tout et au moins on le connait.
Mais Perceval veut au moins comprendre. Comment dès lors Amfortas a-t-il pu assumer cette royauté qu’il décrit comme insupportable à un simple mortel ? Comment lui Perceval pourra-t-il l’assumer comme on le lui propose, autre différence majeure avec Chrétien de Troyes où il ne s’agissait que de réussir la quête et non de régner ? La réponse du roi méhaigné est surprenante et logique, il montre sa blessure : « Mais j’avais ceci ». On ne peut en dire autant des autres résidents de Montsalvage, qui n’ont pas « ceci ». Et Perceval qui n’est que pur bonheur d’exister dans son corps l’a moins que tout autre et n’en a même pas l’idée. Mais qu’est au juste « ceci » ? En me référant pour terminer aux expériences de patients douloureux chroniques, si difficiles à soigner, je l’ai appelé le « dictateur interne », un dictateur que l’on peut aimer au point d’y tenir quel qu’en soit le prix[viii]. C’est la principale originalité de cette version moderne du mythe de Perceval : la blessure n’est pas une simple blessure, elle est vivante, elle impose sa loi de terreur dont on connait les termes : je te protège de ce que tu crains le plus, mais il faudra en passer par mes conditions. Pour supporter le monde tel qu’il va, il vaut mieux être malade. Puisque ce monde est malade…
La question qui régénère le monde[i]
Dans la France de l’après-guerre le thème du monde nouveau à construire ne pouvait que revenir à la surface. La suite a montré qu’elle voulait et ne voulait pas se renouveler, et nous vivons aujourd’hui dans ce qui a résulté de cette tension, dans ce compromis névrotique collectif (mais avec la Sécurité Sociale). Ce thème du renouveau avait été formulé bien avant. Armand Hoog dans sa préface à Chrétien de Troyes et surtout Julien Gracq dans sa propre préface en appellent au groupe surréaliste réuni autour d’André Breton, groupe dont on connait la fière devise : transformer le monde, changer la vie, refaire l’entendement humain. « Tout porte à croire qu’il existe un certain point… d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement ». C’est ce qu’écrivait Breton et pour Julien Gracq ces paroles auraient pu être prononcées à la cour du roi Arthur. Ce point que les surréalistes ont recherché, et même si la rencontre entre Freud et André Breton fut marquée par l’incompréhension réciproque, la psychanalyse en rend compte dans ce qu’elle appelle les processus primaires. Mais ils ne se conçoivent que dans leur couplage avec les processus secondaires, soumis au principe de réalité. La réalité ne s’oppose pas à l’illusion, elle est infiltrée d’illusion ou bien elle cesse d’être créatrice. Quand Oscar Wilde énonce qu’« aucune carte du monde n’est digne d’un regard si le pays de l’utopie n’y figure pas » il utilise une formule paradoxale assez semblable à ce que me fait sentir tel pré-adolescent en psychothérapie : « j’ai besoin de toi pour te faire savoir que je n’ai plus besoin de toi », une demande que Perceval aurait pu formuler face à un Amfortas qui aurait été bienveillant, c’est-à-dire moins malade[i]. L’accomplissement du mythe pourrait mettre en scène un enfant ou adolescent qui oserait questionner, face à un adulte qui oserait reconnaitre qu’il n’a pas la réponse ou que sa réponse n’est que provisoire et que la quête est toujours à reprendre. Il faut donc que ça réponde, qu’il y ait du répondant. Le pire serait peut-être… qu’il y ait une réponse et que cette réponse se donne pour suffisante et définitive, car alors c’en serait fini du jeu infini des questionnements et l’enchainement des questions toujours impossibles et des réponses toujours partielles se refermerait. Or ce jeu est la vie même. C’est la réponse incomplète ou insuffisante de l’adulte qui est libératrice : si l’autre ne sait pas tout, si même il ne peut répondre parce qu’il ne sait pas, tout en montrant de l’intérêt pour le questionnement, cela signifie que je peux chercher par moi-même, inventer mes propres réponses.
[i] La question reste ouverte de savoir qui pourrait réellement soigner ce roi, bien plus clairement traumatisé au physique et au moral chez Julien Gracq que chez Chrétien de Troyes. Et dans quelles conditions.]
L’étonnant n’est-il pas qu’un geste aussi simple que celui de poser la question au bon moment puisse décider d’un changement cosmique ? Là est le caractère révolutionnaire du mythe. L’accent est mis sur la capacité à interroger, et non sur la réponse, qui n’existait peut-être pas. Nous sommes à l’opposé de l’Œdipe de Sophocle qui acceptait d’en passer par les termes de la Sphinge pour être celui qui répond à tout mais ne questionne jamais (il aurait pu par exemple demander à la Sphinge : « qui t’a faite Sphinge et que fais-tu ici ? »). Même si plus tard ne pouvant plus éviter le moment de crise le roi de Thèbes sera contraint d’en poser d’autres.
Questionner c’est comme avoir des dents. La question est ce qui coupe, fragmente et sépare, déconstruit. Quand viennent les dents l’enfant peut faire plus que simplement avaler tout rond, avec le lait, le monde interne de l’adulte. De même les consonnes qui adviennent dans le babil enfantin fragmentent, structurent et colorent le flux vocalique du cri. Tout enfant sain est interrogateur, tout enfant est un enfant-question, parce qu’il se porte électivement vers où chez le parent, chez l’adulte, ça pose question. Inversement la qualité du parent, de l’adulte est de se laisser interroger. Excepté si toute question est impossible. Philippe Réfabert (« Comme si de rien », Campagne Première 2018) rapproche et oppose le « ici pas de pourquoi » du SS, rapporté par Primo Lévi, et man hou, qui en hébreu signifie « qu’est-ce que c’est ? » mais qui désigne également la manne trouvée par les Hébreux dans le désert : la question est ce dont l’infans se nourrit. La tradition dit aussi que chacun se trouvait avoir exactement autant de manne qu’il lui fallait, bien que tous en aient prélevé la même quantité. Et également que dans la bouche de chacun elle prenait la saveur dont il avait envie sur le moment. Image saisissante d’un environnement adapté qui inclut la part de créativité. Inversement celui qui n’aura pas connu cette relation ajustée risque de perdre l’habitude de poser des questions, pour ne pas déranger. Il finira par trouver que c’est normal. Quand la manne perd ses qualités le man hou disparait avec.
Explorant ce thème il était normal que je retrouve le monde de l’après-guerre, celui qui m’avait accueilli dans l’aventure d’exister. Un monde marqué par la soif de renouvellement, le désir d’un monde nouveau après la catastrophe, mais aussi par l’euphorie nécessaire et si souvent déçue du « plus jamais ça ». En 1949, l’artiste néerlandais Karel Appel termina et signa une vaste composition murale qu’il intitula : « Enfants interrogateurs ». Sa fresque réalisée pour le réfectoire de la Maison Communale d’Amsterdam suscita beaucoup d’hostilité. On l’accusa de salir la mairie, on prétendit même qu’elle avait de quoi couper l’appétit des fonctionnaires. Elle fut finalement recouverte et l’artiste ne fut payé que vingt ans plus tard pour son travail. Restaurée en 1959 on peut à présent l’admirer…dans le restaurant chic maintenant installé dans ce lieu. Présentant son œuvre aux journalistes, Appel déclarait : « J’ai vu des enfants allemands mendier le long du train (il traversait l’Allemagne dévastée de l’immédiat après-guerre). Sur le moment je ne me savais pas marqué à ce point mais le résultat est là ». (…) . Dans sa biographie de Karel Appel, Michel Ragon parle des yeux allumés de ces enfants hagards, en haillons. Que voulaient-ils ? Du pain bien sûr mais bien plus que cela. Le titre hollandais « Vragende kinderen » pouvait signifier aussi bien « Enfants qui réclament » qu’ « Enfants qui demandent » : pourquoi tout cela ? Un poème de Lucebert, lié au groupe Cobra auquel appartenait Karel Appel, reprit ce thème : « Les enfants questionnent Questionnent les questions Mains qui questionnent Yeux qui questionnent Bouches qui questionnent ». Plus tard dans « Ritournelle de la faim » de JMG Le Clézio on voit toutes les sortes de faims, la faim de nourriture comme la faim de paroles vraies qui se mêlent dans le grand bouleversement de l’adolescence, que redouble celui de l’Occupation.
[i] « Perceval et le Roman du Graal », Chrétien de Troyes, Folio Gallimard
[ii] Préface de « Perceval et le Roman du Graal » Folio Gallimard
[iii] Epoque d’essor économique et urbain, apparition d’une nouvelle classe marchande et artisanale, renouveau artistique et culturel marqué par de grandes figures comme Jean de Salisbury ou Pierre Abélard
[iv] « Le Roi pêcheur », Corti 1948
[v] « Les J3 », film de Roger Richebé, 1946, dépeint l’éveil du désir adolescent : c’est l’année du bac dans un lycée mais les élèves ont plus l’esprit au marché noir qu’aux études. L’arrivée d’une ravissante professeure de philosophie stimule les élèves qui réussissent leur examen. L’un d’eux en tombe amoureux…
[vi] Comme dans le cas du petit Hanno des « Les Buddenbrook » de Thomas Mann
[vii] « Œdipe philosophe », La Procure 1990
[viii] Au contact de malades chroniques j’avais déjà perçu le poids de ce surmoi implacable que constitue la menace toujours présente de souffrir à nouveau. Un jour dans une réunion consacrée à la douleur j’entendis cette phrase d’une adolescente qui disait comment sa vie avait changé : « Maintenant que ça ne sert plus à rien de souffrir, je peux être comme les autres, avec mon Sevredol… ». C’était bien « mon Sevredol », pas simplement le Sevredol qui m’a été prescrit. Elle s’était appropriée ce traitement efficace et maniable qui après des années de souffrance lui procurait un soulagement et lui permettait de gérer elle-même de façon souple ses accès douloureux. Elle pouvait envisager une vie normale de son âge. Dans son économie psychique « mon Sevredol » avait pris dans le jeu des signifiants la place occupée précédemment par « ma douleur ». On pouvait aussi entendre : à présent je suis comme les autres parce que quelqu’un m’a répondu. Je sais que je suis votre semblable parce qu’avec ma douleur vous m’avez reconnue, parce que vous m’avez aidée. Mais tout de même quelle formulation curieuse, alors qu’on aurait pu attendre un : «Maintenant que je ne souffre plus…» ? A quoi, à qui cela servait-il, avant, de souffrir ? A quoi cela sert Amfortas, lui, le sait bien.
